A la mort de Juju,
Les copains sont venus
Tous en masse,
Les filles de p’tite vertu
Tous les mecs inconnus
Des palaces
Moi aussi j'étais là,
Immobile et très las
Dans cett’e farce,
Crachant sur l’au-delà,
La bell’e Mort que voilà,
La garce!
Juju nous avait dit:
«Que j’meure un vendredi
Gras ou maigre,
Ne bouffez pas d’orties,
D’chrysanthèm'es ou d’hosties,
Ni d’vinaigre,
Immolez quelques bњufs,
Laissez craquer les њufs
En volaille,
Et n’parlez pas àceux
Qui retournent chez eux
Sans puer l’ail!
Eclusez des gorgeons,
A la santéd'Platon,
Mon cocker,
Et ma gross’e Janeton,
A minuit, jouez-la donc
Au poker!"
Ainsi parla Juju,
Qui est mort — qui l’eût cru —
De vieillesse,
Après avoir tant bu
Tant brûléet mordu
Sa jeunesse…
Alors on a sorti
Une caisse d’Asti
Dit Spumante
Les Xérès et Chianti
Les bouteilles de Pastis
Odorantes,
Et les p’tites sont venues,
Gorge ronde et pieds nus,
Dans notr’e planque,
On a trinquéet bu,
On a gueulé: «Juju,
Tu nous manques!»
Et puis on s’est quittés,
La ganache empâtée
Par l’alcool,
Dehors, c'état l'été,
Le long des rues bondées
De bagnoles…
Et je suis restélà,
Immobile et très las,
Dans cett’e farce,
Crachant sur les lilas,
La bell’e vie que voilà,
La garce!