Allons au cinéma, papa,
Y r’voir tes guerres,
Verdun, Okinawa, papa,
Les bérets verts,
Sur des fauteuils qui vibrent
Et qui nous massent
Le cerveau et le chibre
Àla culasse !
Car voilàqu'aujourd'hui, plus que jamais virils,
Les hommes s’envoient en l’air àd'autres vaudevilles.
Leur faut du sang qui coule, bien chaud, et des batailles.
Bref, il leur faut l’Histoire pour s’faire jouir la tripaille !
Allons au cinéma, papa,
Voir comm’e ça bouge.
Ah ! la bell’e bleue lilas, papa,
Ah ! la bell’e rouge.
Dans ce feu d’artifice
En «Tuecolor «,
Tu es bon pour l’service.
On te r’décore !
King-Kong est au chômage et la Tour infernale
A laisséplace chaude aux gars d’Guadalcanal.
Des films catastrophes, faut dire qu’les plus bandants,
C’est quand même nos vraies guerres, trip’es pour trip’es, dents pour dents !
Allons au cinéma, papa,
Y r’fair’e le zouave.
Àquand Hiroshima, papa?
Tu parl’es, j’en bave !
Un p’tit plat d’champignons
Bien atomiques
Sur écran super-son,
Panoramique !
Y a pas àdire, chez nous, quand même, ça fait une paye
Qu’on s’est pas arrachéles burnes ou les oreilles.
Y a pas àdire, chez nous, on a un sacrér'tard:
Regard’e la guerre d’Espagne: ça, c'était des fêtards !
Pour compenser notr’e manque, dans les salles obscures,
Jetez-nous du napalm tout chaud àla figure,
Balancez vos grenades jusque au dernier rang,
Làoùc'qu'y a les métèques barbus, les non-violents.
Allez au cinéma, papa,
Beaux-frères et oncles,
Y réchauffer là-bas, papas,
Vos vieux furoncles.
Allez vous entraîner, frangins,
Pour la prochaine,
Oùnous, on s’ra lapins…
Ou indigènes !